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LA GRÈCE

la Phèdre de Racine, parce que, dit-il : « cette pièce est une magnifique expression antique.[1] »

Dans ces sentiments on le vit inaugurer sa collaboration au recueil littéraire des phalanstériens par un poème grec en l’honneur d’Hélène. Cette pièce, différente de celle qui parut, plus tard, sous le même titre dans les Poèmes Antiques est semée de vers qui, déjà se détachent en relief de beauté, et qui sont des indications précieuses des sentiments dans lesquels le poète vivra, désormais.

Leconte de Lisle suppose qu’un ami, épris comme lui de poésie, s’embarque en sa compagnie pour la Grèce. Elle est, pour eux, la terre d’Hélène, Hélène, en qui se résume le culte que l’antiquité se connut pour la beauté. Avec des accents qui, à travers l’œuvre du poète, ne cesseront de se renouveler, chaque fois plus impérieux, Leconte de Lisle déplore que cette beauté là n’apparaisse plus, éclatante comme autrefois, aux yeux des hommes :


« .......... Hélène révélée
Pour un aveugle monde enfin s’est envolée ;
Et ce monde la voit et ne la connaît pas !
Dans l’inflexible cercle où cheminent ses pas
Il gémit sous le poids de son ombre première
Ne sachant point qu’Hélène est toute la lumière…
Oh ! cherchons en avant l’Hélène universelle !
Non le marbre vivant, mais l’astre au feu si beau
Qui reluit dans nos cœurs comme un sacré flambeau !


  1. Il écrivait encore à ce propos : « La poésie, inspiration créatrice et spontanée, sentiment inné du grand et du beau, était morte dans les dernières années du XVIIe siècle. À l’énergie, avait succédé l’inerte timidité académique, à la spontanéité du génie la lente réflexion, à Corneille, Racine. Car la poésie, telle que nous l’avons apprise de voix géantes et harmonieuses, ne saurait être ce qu’ont écrit Malherbe ou Boileau. L’intellignce primitive qui enfanta le Cid et Polyeucte n’eut pas de successeur. Phèdre et Athalie elles-mêmes, ces deux magnifiques expressions antiques, ne révèlent qu’une prodigieuse puissance de forme, rien de plus : Athalie fut écrite en douze ans. » La Variété, Rennes, 1840.