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Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 1.djvu/108

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s’approcha de la fenêtre pour se livrer à un examen attentif et prolongé de la hache. Les traces accusatrices avaient disparu, mais le bois était encore humide. Raskolnikoff cacha soigneusement l’arme sous son paletot en la remettant dans le nœud coulant ; après quoi, il fit une inspection minutieuse de ses vêtements, autant du moins que le lui permit la faible lumière qui éclairait la cuisine. À première vue, le pantalon et le pardessus n’offraient rien de suspect, mais il y avait des taches sur les bottes. Il les enleva à l’aide d’un chiffon trempé dans l’eau.

Cependant ces précautions ne le rassuraient qu’à demi, car il savait qu’il y voyait mal et qu’il pouvait fort bien n’avoir pas remarqué certaines souillures. Il restait irrésolu au milieu de la chambre, en proie à une pensée sombre, angoissante : la pensée qu’il devenait fou, qu’en ce moment il était hors d’état de prendre une détermination et de veiller à sa sûreté, que sa manière d’agir n’était peut-être pas celle qu’il eût fallu dans la circonstance présente… « Mon Dieu ! Je dois m’en aller, m’en aller au plus vite ! » murmura-t-il, et il s’élança dans l’antichambre où l’attendait la pire terreur qu’il eût encore éprouvée.

Il demeura immobile, n’osant en croire ses yeux : la porte du logement, la porte extérieure qui donnait accès sur le carré, celle-là même où il avait sonné tantôt et par laquelle il était entré, il la trouva ouverte : jusqu’à ce moment, elle était restée entre-bâillée ; par précaution, peut-être, la vieille ne l’avait pas refermée ; on n’avait ni donné un tour de clef, ni tiré le verrou ! Mais, mon Dieu ! il avait bien vu ensuite Élisabeth ! Comment donc ne s’était-il pas douté qu’elle s’était introduite par la porte ? Elle ne pouvait pas avoir pénétré dans le logement en traversant la muraille.

Il ferma la porte et la verrouilla.

— Mais non, ce n’est pas encore cela ! Il faut partir, partir…