Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 2.djvu/188

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— Sonia ! Sonia ! fit-elle d’une voix douce et tendre : Sonia, chère, tu es ici ?

On la souleva de nouveau.

— Assez !… C’est fini !… La bête est crevée !… cria la malade avec l’accent d’un amer désespoir, et elle laissa retomber sa tête sur l’oreiller.

Elle s’assoupit encore une fois, mais ce ne fut pas pour longtemps. Son visage jaunâtre et décharné se rejeta en arrière, sa bouche s’ouvrit, ses jambes se tendirent convulsivement. Elle poussa un profond soupir et mourut.

Sonia, plus morte que vive elle-même, se précipita sur le cadavre, le serra dans ses bras et appuya sa tête sur la poitrine amaigrie de la défunte. Poletchka se mit, en sanglotant, à baiser les pieds de sa mère. Trop jeunes pour comprendre ce qui était arrivé, Kolia et Léna n’en avaient pas moins le sentiment d’une catastrophe terrible. Ils passèrent leurs bras autour du cou l’un de l’autre, et, après s’être regardés dans les yeux, commencèrent à crier. Les deux enfants étaient encore costumés en saltimbanques : l’un avait son turban, l’autre son bonnet de nuit orné d’une plume d’autruche.

Par quel hasard « l’attestation honorifique » se trouva-t-elle tout à coup sur le lit, à côté de Catherine Ivanovna ? Elle était là, sur l’oreiller ; Raskolnikoff la vit.

Le jeune homme se dirigea vers la fenêtre. Lébéziatnikoff s’empressa de l’y rejoindre.

— Elle est morte ! dit André Séménovitch.

Svidrigaïloff s’approcha d’eux.

— Rodion Romanovitch, je voudrais vous dire deux mots.

Lébéziatnikoff céda aussitôt la place et s’effaça discrètement. Néanmoins, Svidrigaïloff crut devoir emmener dans un coin Raskolnikoff que ces façons intriguaient fort.

— Toutes ces affaires, c’est-à-dire l’inhumation et le reste, je m’en charge. Vous savez, cela va coûter de l’argent, et,