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— Je regrette vivement, continua-t-il, de ne pouvoir m’entretenir plus longtemps avec vous, mais nous nous reverrons… Vous n’avez qu’à prendre patience…

Il sortit du traktir. Raskolnikoff le suivit. L’ivresse de Svidrigaïloff se dissipait à vue d’œil ; il fronçait le sourcil et paraissait très-préoccupé, comme un homme qui est à la veille d’entreprendre une chose extrêmement importante. Depuis quelques minutes, une sorte d’impatience se trahissait dans ses allures, en même temps que son langage devenait caustique et agressif. Tout cela semblait justifier de plus en plus les appréhensions de Raskolnikoff, qui résolut de s’attacher aux pas de l’inquiétant personnage.

Ils se retrouvèrent sur le trottoir.

— Nous nous quittons ici : vous allez à droite et moi à gauche, ou réciproquement. Adieu, mon bon, au plaisir de vous revoir !

Et il partit dans la direction du Marché-au-Foin.

IV

Raskolnikoff se mit à lui emboîter le pas.

— Qu’est-ce que cela signifie ? s’écria en se retournant Svidrigaïloff. Je croyais vous avoir dit…

— Cela signifie que je suis décidé à vous accompagner.

— Quoi ?

Tous deux s’arrêtèrent et pendant un instant se mesurèrent des yeux.

— Dans votre demi-ivresse, répliqua Raskolnikoff, vous m’en avez dit assez pour me convaincre que, loin d’avoir renoncé à vos odieux projets contre ma sœur, vous en êtes plus occupé que jamais. Je sais que ce matin ma sœur