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Un livre se trouvait sur la commode. Raskolnikoff l’avait remarqué à plusieurs reprises durant ses allées et venues dans la chambre. À la fin il le prit et l’examina. C’était une traduction russe du Nouveau Testament, un vieux livre relié en peau.

— D’où vient cela ? cria-t-il à Sonia d’un bout à l’autre de la chambre.

La jeune fille était toujours à la même place, à trois pas de la table.

— On me l’a prêté, répondit-elle, comme à contre cœur et sans lever les yeux sur Raskolnikoff.

— Qui te l’a prêté ?

— Élisabeth ; je le lui avais demandé.

« Élisabeth ! c’est étrange ! » pensa-t-il. Tout chez Sonia prenait à ses yeux d’instant en instant un aspect plus extraordinaire. Il s’approcha de la lumière avec le livre et se mit à le feuilleter.

— Où est-il question de Lazare ? demanda-t-il brusquement.

Sonia, les yeux obstinément fixés à terre, garda le silence ; elle s’était un peu détournée de la table.

— Où est la résurrection de Lazare ? Cherche-moi cet endroit, Sonia.

Elle regarda du coin de l’œil son interlocuteur.

— Il n’est pas là… c’est dans le quatrième évangile… fit-elle sèchement, sans bouger de sa place.

— Trouve ce passage et lis-le-moi, dit-il, puis il s’assit, s’accouda contre la table, appuya sa tête sur sa main, et, regardant de côté d’un air sombre, se disposa à écouter.

Sonia hésita d’abord à s’approcher de la table. L’étrange désir manifesté par Raskolnikoff lui semblait peu sincère. Néanmoins, elle prit le livre.

— Est-ce que vous ne l’avez pas lu ? lui demanda-t-elle en le regardant de travers. Sa voix devenait de plus en plus dure.