Page:Dostoïevski - Humiliés et offensés.djvu/214

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Depuis quelque temps elle n’avait guère sa tête à elle : chaque nouvelle la secouait, et le chagrin qui lui venait de sa fille lui minait le cœur et la santé.

Le vieillard entra, en robe de chambre et en pantoufles ; il me dit qu’il avait la fièvre. Il regardait sa femme d’un œil plein de tendresse et d’émotion, et pendant tout le temps que je passai chez eux, il fut prévenant et aux petits soins. Il était effrayé de la voir malade : il sentait que s’il la perdait, il aurait tout perdu.

Je restai à peu près une heure avec eux ; Nicolas Serguéitch m’accompagna jusqu’à l’antichambre et me parla de Nelly. Il pensait sérieusement à la prendre dans sa maison comme fille adoptive, et il me demanda comment il devait manœuvrer pour avoir le consentement de sa femme. Il me fit toutes sortes de questions sur la petite, et je lui racontai grosso-modo son histoire, qui l’impressionna très-fort.

— Nous en reparlerons, me dit-il d’un ton résolu ; en attendant… du reste, je passerai aussitôt que je serai un peu mieux, et nous arrangerons la chose.

À midi précis j’étais chez Masloboïew, et grand fut mon étonnement quand, en entrant dans l’antichambre, je me trouvai nez à nez avec le prince en train de mettre son paletot. Masloboïew le secondait avec empressement dans cette opération. Quoique mon ancien condisciple m’eût déjà dit qu’il connaissait le prince, j’étais à cent lieues de m’attendre à cette rencontre.

Le prince me parut embarrassé.

— Ah ! c’est vous ! s’écria-t-il avec plus de chaleur que je n’aurais attendu ; voyez comme on se rencontre ! Du reste, M. Masloboïew vient de m’apprendre que vous vous connaissez. Enchanté ! j’avais justement le désir de vous voir, et je me propose de passer chez vous très-prochainement, si vous le permettez : j’ai une prière à vous adresser, je veux vous demander de m’aider à éclaircir la situation. Vous savez ce que je veux dire… Vous êtes lié par l’amitié, vous avez suivi toute la marche de cette affaire, vous avez de l’influence… Je regrette que nous ne puissions pas causer en ce moment. Mais… que voulez-vous ? les affaires ! Un de ces