vaincus et candides. Il savait, lorsqu’il fallait, paraître le plus heureux et le plus gai des hommes. Il était fort habile à placer au moment voulu un mot spirituel et mordant, une allusion drôle, un calembour, le plus naturellement du monde, sans paraître y faire attention, même quand la plaisanterie était préparée de longue date, sue par cœur et resservie cette fois après cent autres. Mais à ce moment, ce n’était plus seulement de l’art, tout son naturel était de la partie. Il se sentait en verve, très excité ; il sentait avec une certitude pleine et triomphante qu’il lui suffirait de quelques minutes pour que tous les yeux fussent braqués sur lui, ne rit plus que de ce qu’il dirait. Et, en effet, peu à peu, tout le monde entra dans la conversation, qu’il menait avec une maîtrise parfaite. Le visage fatigué de madame Zakhlébinine s’éclaira de satisfaction, presque de joie, et Katia se mit à regarder et à écouter, ravie. Nadia l’observait par en dessous : il était clair qu’elle était prévenue contre lui, ce qui ne faisait que stimuler davantage la verve de Veltchaninov. La malveillante Maria Nikitichna avait su faire courir sur son compte un bruit qui nuisait à son prestige : elle avait affirmé que Pavel Pavlovitch
Page:Dostoïevski - L’Éternel Mari, trad. Nina Halpérine-Kaminsky, 1896.djvu/187
Apparence