Page:Dostoïevski - L’Idiot, tome 1.djvu/185

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vertueuse, — pouvez-vous croire cela ? Vous pensez qu’elle vit avec ce Totzky ? Pas du tout ! Il y a même déjà longtemps que leurs relations ont cessé. Avez-vous remarqué aussi qu’elle perd facilement la tramontane, et que, tantôt, à de certains moments, elle s’est troublée ? C’est positif. Voilà pourtant les femmes qui aiment la domination ! Allons, adieu !

Ganetchka sortit d’un air beaucoup plus dégagé qu’il n’était entré ; il avait recouvré toute sa bonne humeur. Pendant dix minutes, le prince resta immobile et pensif.

Kolia entre-bâilla de nouveau la porte et passa sa tête par l’ouverture.

— Je ne dînerai pas, Kolia ; j’ai bien déjeuné ce matin chez les Épantchine.

Entrant dans la chambre, Kolia remit au prince un pli cacheté. C’était un billet écrit par le général. On voyait sur le visage de l’enfant combien il lui en coûtait de s’acquitter de cette commission. Après avoir lu le pli, Muichkine se leva et prit son chapeau.

— C’est à deux pas d’ici, dit Kolia confus. — Il est là maintenant en train de boire. Et comment a-t-il pu se faire ouvrir un crédit dans cette maison ? je n’y comprends rien. Prince, cher, s’il vous plaît, ne dites pas ici que je vous ai remis ce billet ! Mille fois j’ai juré que je ne me chargerais plus de commissions semblables, mais je n’ai pas le courage de les refuser. Du reste, je vous en prie, ne vous gênez pas avec lui : donnez quelque menue monnaie et ce sera une affaire finie.

— Moi-même, Kolia, je voulais voir votre papa ; j’ai à lui parler… Partons…