Aller au contenu

Page:Dostoïevski - L’Idiot, tome 2.djvu/25

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

a deux mois ou deux mois et demi, aux environs de Pâques, une lettre à Aglaé ?

— O-oui.

— À quel propos ? Qu’y avait-il dans cette lettre ? Montre-la !

Les yeux d’Élisabeth Prokofievna étincelaient, elle était tremblante d’impatience.

— Je ne l’ai pas, répondit timidement le prince étonné, — si cette lettre n’a pas été détruite, elle est entre les mains d’Aglaé Ivanovna.

— Ne finasse pas ! Qu’est-ce que tu lui as écrit ?

— Je ne finasse pas, et je ne crains rien. Je ne vois pas le motif qui m’aurait empêché d’écrire…

— Tais-toi ! Tu parleras plus tard. Qu’y avait-il dans la lettre ? Pourquoi as-tu rougi ?

Le prince réfléchit un moment.

— Je ne connais pas vos pensées, Élisabeth Prokofievna. Je vois seulement que cette lettre vous déplaît fort. Convenez que je pouvais refuser de répondre à une pareille question. Mais pour vous prouver que je ne redoute rien du fait de cette lettre, que je ne regrette pas de l’avoir écrite, et que je n’en rougis nullement (ce disant, le prince rougissait de plus en plus), je vais vous la réciter, car je crois que je la sais par cœur.

Là-dessus, le prince reproduisit de mémoire, et presque mot pour mot, le contenu du billet qu’il avait écrit à Aglaé.

— Quel galimatias ! Qu’est-ce que peuvent signifier ces sottises, selon toi ? demanda d’un ton sévère la générale qui avait écouté avec une attention extraordinaire.

— Je ne le sais pas bien moi-même ; tout ce que je puis dire, c’est que j’étais alors sous l’influence d’un sentiment sincère. J’ai eu là-bas des moments de vie pleine et d’espérances ardentes.

— Quelles espérances ?

— Il me serait difficile de les expliquer, seulement ce n’étaient pas celles que vous supposez peut-être en ce moment… J’espérais… eh bien, en un mot, je faisais des