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Page:Dostoïevski - L’Idiot, tome 2.djvu/321

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Élisabeth Prokofievna ne put se contenir.

— Je ne m’attendais pas à cela de ta part, dit-elle avec tristesse, — c’est un parti impossible, je le sais, et je remercie Dieu que nous soyons si bien d’accord sur ce point, mais ton langage n’est pas celui auquel je m’attendais. Je présumais autre chose de toi. J’aurais volontiers mis à la porte tous nos visiteurs d’hier, lui seul excepté ; voilà quel homme il est, à mes yeux !…

Elle s’arrêta soudain, craignant d’en avoir trop dit. Mais si elle avait su combien, en ce moment, elle était injuste pour sa fille ! Déjà tout était décidé dans l’esprit d’Aglaé ; elle aussi attendait son heure, l’heure de la solution définitive, et le moindre mot imprudent, la moindre allusion à cette question lui faisait au cœur une profonde blessure.

VIII

Pour le prince aussi cette journée commença sous l’influence de pressentiments pénibles ; on pouvait les attribuer à son état maladif, mais il éprouvait une tristesse d’un caractère trop vague, et c’était surtout cela qui le tourmentait. Sans doute les motifs d’affliction ne lui manquaient pas dans l’ordre des faits positifs, mais toutes les circonstances douloureuses que lui rappelait sa mémoire étaient insuffisantes à expliquer l’immensité de son chagrin. Peu à peu s’enracina en lui la conviction qu’aujourd’hui même se produirait un événement décisif dans son existence. Son accès de la veille avait été léger ; il ne lui restait maintenant que de l’hypocondrie, une certaine pesanteur dans la tête, et de la courbature dans les membres. Son cerveau ne fonctionnait pas trop mal, quoique son âme fût malade. Il se leva assez tard et se rappela aussitôt la soirée précédente ; ses souvenirs