Page:Dostoïevski - Le Double, 1919.djvu/65

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tout le monde, murmure encore M. Goliadkine, qui, peu à peu, change de place et essaye de sortir de la foule qui l’entoure. On le laisse passer. Il s’avance entre deux rangs d’observateurs étonnés et curieux. Sa destinée le mène. M. Goliadkine le sent bien. Il donnerait beaucoup pour être à nouveau dans le vestibule, près de l’escalier de service. Mais il y a les convenances. C’est impossible. Aussi commence-t-il des manœuvres habiles afin de se glisser dans un coin, où il se tiendrait modestement, convenablement, bien à l’écart, sans attirer l’attention, si bien qu’il gagnerait peut-être la bienveillance des maîtres de maison et des invités. Mais un vertige pousse M. Goliadkine comme s’il allait chanceler, comme s’il allait tomber. Le voici qui arrive à un petit coin. Il s’y enfonce et se met à observer avec indifférence, comme un étranger, appuyant ses mains sur les dossiers de deux chaises. Il semble en prendre possession et s’efforce de regarder dans le blanc des yeux les invités d’Olsoufi Ivanovitch qui se groupent autour de lui. À son côté est an officier, un grand et bel homme. Devant lui M. Goliadkine se sent comme un moucheron.

— Ces deux chaises, lieutenant, sont réservées à Clara Olsoufievna et à la princesse Tchevtchekanov, qui dansent en ce moment. Je les leur garde, lieutenant, dit à l’officier M. Goliadkine, en lui jetant un regard suppliant.