Page:Dostoïevski - Le Joueur - Les Nuits Blanches, trad. Kaminski, ed. Plon, 1925.djvu/179

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de son départ nous sortîmes ensemble de chez lui et nous fîmes quelques pas sur ce quai. Il était dix heures, nous finîmes par nous asseoir sur ce banc, je ne pleurais plus, il m’était doux de l’entendre ; il me dit qu’aussitôt revenu il irait me demander à la babouschka, et il est revenu, et il ne m’a pas demandée.

Elle pleurait de plus belle.

— Dieu ! mais comment vous consoler ? m’écriai-je en me levant du banc. Ne pourriez-vous pas aller le voir ?

— Est-ce que cela se peut ? dit-elle en relevant la tête.

— Je ne sais pas trop… non… mais écrivez-lui.

— Non, c’est impossible, cela ne se peut pas non plus ! répondit-elle avec décision, mais en baissant la tête, sans me regarder.

— Et pourquoi cela ne se pourrait-il pas ? repris-je, tout à mon idée fixe. Mais savez-vous, Nastenka, qu’il y a lettre et lettre ? Ah ! que ce serait bien, Nastenka, d’avoir confiance en moi ! Craignez-vous que je vous donne un mauvais conseil ? Tout s’arrangera facilement ; c’est vous qui avez fait les premiers pas ; pourquoi donc maintenant ?…

— Non, non, j’aurais l’air de le poursuivre…

— Ah ! ma bonne petite Nastenka ! interrompis-je sans cacher un sourire. Mais non ! mais non ! Vous avez des droits puisqu’il vous a fait une promesse. Assurément, d’ailleurs, c’est un homme très délicat ; il a bien agi, continuai-je de plus en plus enthousiasmé par mes propres arguments, il s’est lié par une promesse, il a dit qu’il n’épouserait que vous, et, au contraire, il vous a laissé la liberté de le refuser tout de suite si vous voulez. Dans ces conditions, vous pouvez bien faire les premiers pas, vous devriez même les faire si vous vouliez lui rendre sa parole.

— Écoutez ! comment écririez-vous ?

— Quoi ?