Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov, trad. Mongault, tome 2.djvu/237

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Un triste sourire se dessina sur ses lèvres.

« Le lui as-tu demandé ?

— Non. Je voulais le lui demander, mais je n’en ai pas eu la force. D’ailleurs, je l’ai compris à son regard. Alors adieu ! »

Ils s’embrassèrent encore. Aliocha allait sortir quand Mitia le rappela.

« Tiens-toi devant moi, comme ça. »

Il prit de nouveau Aliocha par les épaules. Son visage devint fort pâle, ses lèvres se contractèrent, son regard sondait son frère.

« Aliocha, dis-moi toute la vérité, comme devant Dieu. Crois-tu que j’ai tué ? La vérité entière, ne mens pas ! »

Aliocha chancela, eut un serrement de cœur.

« Assez ! Que dis-tu ?… murmura-t-il comme égaré.

— Toute la vérité, ne mens pas !

— Je n’ai jamais cru un seul instant que tu sois un assassin », s’écria d’une voix tremblante Aliocha, qui leva la main comme pour prendre Dieu à témoin.

Une expression de bonheur se peignit sur le visage de Mitia.

« Merci, dit-il en soupirant, comme après un évanouissement. Tu m’as régénéré… Le crois-tu, jusqu’à présent je craignais de te le demander, à toi, à toi ! Va-t’en, maintenant, va-t’en ! Tu m’as donné des forces pour demain, que Dieu te bénisse ! Retire-toi, aime Ivan ! »

Aliocha sortit tout en larmes. Une pareille méfiance de la part de Mitia, même envers lui, révélait un désespoir qu’il n’eût jamais soupçonné si profond chez son malheureux frère. Une infinie compassion s’empara de lui. Il était navré. « Aime Ivan ! » Il se rappela soudain ces dernières paroles de Mitia. Il allait précisément chez Ivan, qu’il voulait voir depuis le matin. Ivan l’inquiétait autant que Mitia, et maintenant plus que jamais, après cette entrevue.


V

Ce n’est pas toi !

Pour aller chez son frère, il devait passer devant la maison où habitait Catherine Ivanovna. Les fenêtres étaient éclairées. Il s’arrêta, résolut d’entrer. Il n’avait pas vu Catherine depuis plus d’une semaine et pensa qu’Ivan était peut-être chez elle,