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Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov, trad. Mongault, tome 2.djvu/238

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surtout à la veille d’un tel jour. Dans l’escalier, faiblement éclairé par une lanterne chinoise, il croisa un homme en qui il reconnut son frère.

« Ah ! ce n’est que toi, dit sèchement Ivan Fiodorovitch. Adieu. Tu vas chez elle ?

— Oui.

— Je ne te le conseille pas. Elle est agitée, tu la troubleras encore davantage.

— Non, non, cria une voix en haut de l’escalier. Alexéi Fiodorovitch, vous venez de le voir ?

— Oui, je l’ai vu.

— Est-ce qu’il me fait dire quelque chose ? Entrez, Aliocha, et vous aussi, Ivan Fiodorovitch, remontez. Vous entendez ? »

La voix de Katia était si impérieuse qu’Ivan, après un instant d’hésitation, se décida à remonter avec Aliocha.

« Elle écoutait ! murmura-t-il à part soi, avec agitation, mais Aliocha l’entendit.

— Permettez-moi de garder mon pardessus, dit Ivan en entrant au salon, je ne resterai qu’une minute.

— Asseyez-vous, Alexéi Fiodorovitch », dit Catherine Ivanovna qui resta debout.

Elle n’avait guère changé, mais ses yeux sombres brillaient d’une lueur mauvaise. Aliocha se rappela plus tard qu’elle lui avait paru particulièrement belle à cet instant.

« Qu’est-ce qu’il me fait dire ?

— Ceci seulement, dit Aliocha en la regardant en face : que vous vous ménagiez et ne parliez pas à l’audience de ce qui (il hésita un peu)… s’est passé entre vous… lors de votre première rencontre.

— Ah ! mon salut jusqu’à terre pour le remercier de l’argent ! dit-elle avec un rire amer. Craint-il pour lui ou pour moi ? Qui veut-il que je ménage : lui ou moi ? Parlez, Alexéi Fiodorovitch. »

Aliocha la regardait avec attention, s’efforçant de la comprendre.

« Vous et lui.

— C’est cela, dit-elle méchamment, et elle rougit. Vous ne me connaissez pas encore, Alexéi Fiodorovitch. Moi non plus, je ne me connais pas. Peut-être me détesterez-vous, après l’interrogatoire de demain.

— Vous déposerez avec loyauté, dit Aliocha, c’est tout ce qu’il faut.

— La femme n’est pas toujours loyale. Il y a une heure, je craignais le contact de ce monstre, comme celui d’un