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LES FRÈRES KARAMAZOV. 167

parce que je sais que tu l'aimes. Mais tu peux l'aimer, je n'ai pas peur de toi. Ah! si Ivan l'aimait, je craindrais pour moi... Mais Ivan n'aime personne; Ivan n'est pas notre homme. Les gens comme lui ne sont pas de notre monde. C'est de la poussière des chemins... Le vent souf- flera sur les chemins, et il n'y aura plus de poussière... Hier, une lubie m'a passé par la tète quand je t'ai dit de venir aujourd'hui. Je voulais m'enquérir par ton intermé- diaire si Jlitka consentirait, le va-nu-pieds, le misérable, pour mille ou deux mille kopeks, à quitter cette ville pour cinq ans, ou mieux encore, pour trente-cinq ans, — et sans Grouschka. Hé?

— Je... je lui demanderai... murmura Alioscha. Si peut-être vous donniez trois mille roubles, peut-être il...

— Halte! C'est inutile maintenant. J'ai changé d'avis. C'est une sotte idée. Je ne donnerai rien, mais là, ri-en! J'ai besoin de mon argent. J'écraserai Mitka comme un cafard. Ne va pas lui donner des espérances, au moins! D'ailleurs, toi-même, tu n'as rien à faire ici, va-t'en. Cette Katherina Ivanovna, sa fiancée, qu'il m'a empêché de voir, l'épousera-t-elle , oui ou non? Tu es allé hier chez elle, je crois.

— Elle ne l'abandonnera pour rien au monde.

— C'est toujours ces misérables, ces noceurs, qu'aiment les tendres barichnias ! Elles ne valent rien, ces pâles ba- richnias, va! Ah! s'il s'agissait... Parbleu, si j'avais sa jeu- nesse et ma figure de jadis, — car j'étais mieux que lui, à vingt-huit ans, — je triompherais comme lui ! Ah ! le gaillard! Mais il n'aura pas Grouschegnka, il ne l'aura pas... je le réduirai en poussière!

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