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Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 1.djvu/262

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parmi ceux qui sont à la tête du mouvement. Qui sait ? peut-être y en avait-il parmi les premiers évêques de Rome. Qui sait? peut-être ce maudit vieillard, qui, à sa façon, aime si obstinément l’humanité , est-il perpétué et, main- tenant encore, représenté par quelqu’un de ces grands vieillards qui conservent le Mystère et le gardent contre les malheureux et les faibles , afin de les rendre heureux. Cela est nécessairement et cela doit être. Il me semble même que chez les francs-maçons il y a quelque mystère de ce genre, et c’est pourquoi les catholiques haïssent tant les francs-maçons : ils voient en ces « sociétés secrètes » une concurrence et la dissémination de l’idée unique, tandis qu’il ne faut qu’un seul troupeau sous un seul pas- teur... D’ailleurs, en défendant ma pensée, j ai l’air d’un écrivain inférieur à tes critiques... Assez là-dessus.

— Tu es peut-être toi-même un franc-maçon , s’écria tout à coup Alioscha. Tu ne crois pas en Dieu , ajouta-t-il avec une profonde tristesse.

Il lui semblait lire de l’ironie dans le regard de son frère.

— Comment finit ton poëme ? reprit-il en baissant les yeux. Finit-il là ?

— Je voulais le finir ainsi : l’inquisiteur se tait, il attend pendant quelques instants la répanse du prisonnier. Ce silence lui est pénible. Le prisonnier l’a constamment écouté en le regardant bien en face, avec un doux et fixe regard . évidemment décidé à ne rien répondre. Le vieillard voudrait entendre de son prisonnier une parole, fût-ce la plus amère, la plus terrible, — et voilà que le prisonnier s’approche en silence du vieillard et