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Il se mit à pleurer. Il était sentimental : méchant, mais sentimental.

V

Le lecteur se représente peut-être Alioscha comme un être névrosé, maladif, chétif, peu développé. Au contraire, c’était, à cette époque, un jeune homme robuste, élancé, les joues roses, les yeux gris, grands et clairs, tout plein de santé, très-beau, d’une taille au-dessus de la moyenne, les cheveux châtains avec un visage ovale et régulier. Sans doute, tout cela n’empêche ni le fanatisme ni le mysticisme. Mais j’affirme qu’Alioscha avait le tempérament le plus réaliste. Certes, il croyait aux miracles, mais il était de ces réalistes chez lesquels la foi n’est pas la conséquence du miracle, mais le miracle la conséquence de la foi. Si un réaliste parvient à croire, son réalisme même doit lui faire admettre le miracle. L’apôtre Thomas déclare qu’il ne croira pas avant d’avoir vu ; mais quand il voit, il s’écrie : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Est-ce le miracle qui lui donne la foi ? Le plus probable est pour la négative. Il a acquis cette foi parce qu’il la désirait, et peut-être l’avait-il intérieurement, même avant de dire : « Je ne croirai que si je vois… »

Alioscha était de ces jeunes gens de la dernière génération, lesquels, honnêtes par nature, cherchent la vérité, la demande, et dès qu’ils l’ont acquise, s’y dévouent jusqu’au