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Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/266

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table amour de Karamazov ! Il expliqua comment Grouschegnka, ainsi qu’elle l’avait avoué elle-même à Mokroïe, avait conduit à leur perte le vieillard et son fils. Il montra Dmitri se livrant à la débauche dans les traktirs et relata tous les faits déjà connus du lecteur, lesquels avaient de plus en plus affermi Dmitri dans le dessein de tuer son père.

« Je vous avoue, messieurs les jurés, que je doutais jusqu’à ce jour qu’il y eût de la préméditation dans la pensée de l’accusé. J’étais convaincu qu’il n’avait prévu le crime que comme une possibilité vague et sans date : le document fatal que nous a présenté tout à l’heure madame Verkhovtseva, a dissipé mes doutes. C’est un plan précis de l’assassinat. Cette lettre en a, en effet, toute cette signification. Elle a été écrite quarante-huit heures avant l’événement et nous prouve que, quarante-huit heures avant son crime, l’accusé était résolu à l’accomplir pour dévaliser son père, pour prendre l’argent « dans le paquet ficelé d’une faveur rose « dès qu’Ivan serait parti ». Entendez-vous ? « Dès qu’Ivan « serait parti ». Tout est calculé, toutes les circonstances sont prévues : et tout s’est passé comme l’assassin l’avait décidé. La préméditation et le calcul sont évidents. Le vol était le mobile de l’assassinat, comme cela ressort de la lettre que l’accusé ne nie pas ; et quand cette lettre aurait été écrite en état d’ivresse, qu’est-ce que cela prouverait ? Il n’en a pas moins dit la vérité, seulement il ne l’aurait peut-être pas dite de sang-froid. »

À l’objection que la défense pourrait tirer du fait que l’accusé avait crié partout son projet, le procureur répondit d’avance que Dmitri avait cessé de se vanter de son