Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/299

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La porte s’était ouverte, Katia apparut. Elle s’arrêta sur le seuil, ses yeux hagards cherchaient Mitia. Il se leva vivement, pâle d’effroi, mais aussitôt, un sourire timide, suppliant, effleura ses lèvres, et tout à coup, comme entraîné par une force irrésistible, il tendit les bras vers Katia. Elle se jeta vers lui et le fît asseoir sur le lit. Elle-même s’assit auprès de lui. Elle lui serrait les mains avec force et tremblait. À plusieurs reprises, tous deux, ils voulurent parler, mais ils s’arrêtaient et se regardaient fixement.

Deux minutes se passèrent ainsi.

— As-tu pardonné ? put enfin murmurer Mitia, et, s’adressant à Alioscha, il lui cria avec une joie étrange : « Entends-tu ce que je lui demande ? entends-tu ? »

— Ton cœur est généreux, c’est pourquoi je t’ai aimé, dit Katia. Tu n’as pas besoin de mon pardon. C’est à toi de pardonner. Mais que tu me pardonnes ou non, tu as blessé mon âme et j’ai blessé la tienne pour jamais. D’ailleurs il le fallait…

La respiration lui manqua.

— Pourquoi suis-je venue ? Pour baiser tes pieds, pour serrer tes mains jusqu’à la douleur, tu te rappelles, comme à Moscou, pour te dire une fois encore que tu es mon Dieu, que tu es ma joie, te dire que je t’aime follement, s’écria-t-elle avec un sanglot.

Elle appliqua ses lèvres avec avidité sur la main de Mitia et éclata en pleurs.

Alioscha demeurait immobile, interdit, confus. Il n’avait pas prévu cette scène.

— L’amour est mort, Mitia, reprit-elle, mais le passé