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Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/45

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— Andrey, et s’ils dorment ?

— C’est bien possible, Dmitri Fédorovitch.

Mitia fronça les sourcils. Que faire ? Il arrivait — et elle dormait ! — Peut-être, avec lui !

La colère l’envahit.

— Fouette, Andrey, fouette vite !

— J’ai quelque chose à vous demander, barine. Au moins ne vous fâchez pas…

— Quoi ?

— Tout à l’heure, Fénia est tombée à vos genoux en vous suppliant de ne pas faire de mal à sa barinia et à… un autre. Alors, barine, moi qui vous y conduis, pardon… C’est peut-être une bêtise que je dis.

Mitia le prit brusquement par les épaules.

— Es-tu yamstschik ? yamstschik ? criait-il hors de lui.

— Oui…

— Sais-tu que je dois laisser libre le chemin ? Mais toi, yamstschik, tu écrases le monde : il faut que ta troïka passe ! Non, yamstschik, n’écrase pas le monde, il ne faut tuer personne, il ne faut pas gâter la vie des autres, et si, par malheur, tu es de trop, châtie-toi toi-même, disparais !

Andrey, quoique étonné, ne laissa pas tomber la conversation.

— Vous avez raison, petit père Dmitri Fédorovitch, vous avez raison, il ne faut tuer personne. Faire souffrir quelqu’un, cela ne se doit pas. Toute créature a droit à la vie. Voilà, par exemple, ce cheval : eh bien ! il y a des yamstschiks qui fouettent à mort leur bête et vont toujours, rien ne les arrête…

— Andrey, simple cœur ! dit Mitia en saisissant de nou-