Page:Dostoïevski - Les Possédés, Plon, 1886, tome 1.djvu/169

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nt de la jeune fille allait sans cesse de Barbara Pétrovna à la boiteuse et vice versa ; un mauvais sourire tordait ses lèvres. Barbara Pétrovna le remarqua. Pendant ce temps, Marie Timoféievna s’amusait fort bien. Nullement intimidée, elle prenait un vif plaisir à contempler le beau salon de la générale, — le mobilier, les tapis, les tableaux, les peintures du plafond, le grand crucifix de bronze pendu dans un coin, la lampe de porcelaine, les albums et le bibelot placés sur la table.

— Tu es donc ici aussi, Chatouchka ? dit-elle tout à coup ; — figure-toi, je te vois depuis longtemps, mais je me disais : Ce n’est pas lui ! Par quel hasard serait-il ici ? Et elle se mit à rire gaiement.

— Vous connaissez cette femme ? demanda aussitôt Barbara Pétrovna à Chatoff.

— Je la connais, murmura-t-il ; en faisant cette réponse il fut sur le point de se lever, mais il resta assis.

— Que savez-vous d’elle ? Parlez vite, je vous prie !

— Eh bien, quoi ?… répondit-il avec un sourire assez peu en situation, — vous le voyez vous-même.

— Qu’est-ce que je vois ? Allons, dites quelque chose !

— Elle demeure dans la même maison que moi… avec son frère… un officier.

— Eh bien ?

— Ce n’est pas la peine d’en parler… grommela-t-il, et il se tut.

— De vous, naturellement, il n’y a rien à attendre ! reprit avec colère Barbara Pétrovna.

Elle voyait maintenant que tout le monde savait quelque chose, mais qu’on n’osait pas répondre à ses questions, qu’on voulait la laisser dans l’ignorance.

Le laquais revint, apportant sur un petit plateau d’argent la tasse de café demandée ; il la présenta d’abord à sa maîtresse, qui lui fit signe de l’offrir à Marie Timoféievna.

— Ma chère, vous avez été transie de froid tantôt, buvez vite, cela vous réchauf