— Pas avant que vous n’ayez fait une réponse quelconque à ma première question : _Tout_ ce que j’ai dit est-il vrai ?
— Oui, fit d’une voix sourde Lébiadkine, et il leva les yeux sur son bourreau. La sueur ruisselait de ses tempes.
_— Tout _est vrai ?
— Tout est vrai.
— Ne trouvez-vous rien à ajouter, à faire observer ? Si vous vous sentez victime d’une injustice, déclarez-le ; protestez, révélez hautement vos griefs.
— Non, je ne trouve rien.
— Vous avez menacé dernièrement Nicolas Vsévolodovitch.
— C’était… c’était surtout l’effet du vin, Pierre Stépanovitch. (Il releva brusquement la tête.) Pierre Stépanovitch, est-il possible qu’on soit coupable si, parmi les hommes s’élève le cri de l’honneur domestique et d’une honte imméritée ? vociféra-t-il, s’oubliant tout à coup.
— N’êtes-vous pas pris de boisson en ce moment, monsieur Lébiadkine ? répliqua Pierre Stépanovitch en attachant sur le capitaine un regard sondeur.
— Non.
— Alors que signifient ces mots d’honneur domestique et de honte imméritée ?
— Je n’ai parlé de personne, je n’ai voulu désigner personne. C’est de moi qu’il s’agit… balbutia le capitaine de nouveau intimidé.
— Vous avez été très blessé, paraît-il, des expressions dont je me suis servi en parlant de vous et de votre conduite ? Vous êtes fort irascible, monsieur Lébiadkine. Mais permettez, je n’ai pas encore commencé à montrer votre conduite sous son vrai jour. Jusqu’ici j’ai réservé ce sujet d’entretien : il peut fort bien arriver que je l’aborde, mais je ne l’ai pas encore fait.
Le capitaine frissonna et regarda son interlocuteur d’un air étrange.
— Pierre Stépanovitch, maintenant seulement je commence à me réveiller !