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Page:Dostoïevski - Les Possédés, Plon, 1886, tome 1.djvu/25

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CHAPITRE II

le prince harry. — une demande en mariage.

I

Il existait sur la terre un être à qui Barbara Pétrovna n’était pas moins attachée qu’à Stépan Trophimovitch : c’était son fils unique, Nicolas Vsévolodovitch Stavroguine. Il avait huit ans lorsque sa mère le confia aux soins d’un précepteur. Rendons justice à Stépan Trophimovitch : il sut se faire aimer de son élève. Tout son secret consistait en ce que lui-même était un enfant. Il ne me connaissait pas encore à cette époque ; or, comme toute sa vie il eut besoin d’un confident, il n’hésita pas à investir de ce rôle le petit garçon, dès que celui-ci eut atteint sa dixième ou sa onzième année. La plus franche intimité s’établit entre eux, nonobstant la différence des âges et des situations. Plus d’une fois, Stépan Trophimovitch éveilla son jeune ami, à seule fin de lui révéler, avec des larmes dans les yeux, les amertumes dont il était abreuvé, ou bien encore il lui découvrait quelque secret domestique sans songer que cette manière d’agir était très-blâmable. Ils se jetaient dans les bras l’un de l’autre et pleuraient. L’enfant savait que sa mère l’aimait beaucoup ; la payait-il de retour ? j’en doute. Elle lui parlait peu et ne le contrariait guère, mais elle le suivait constamment des yeux, et il éprouvait toujours