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Page:Dostoïevski - Les Possédés, Plon, 1886, tome 1.djvu/262

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— Ainsi vous qui savez cela, vous êtes bon ?

— Oui.

— Là-dessus, du reste, je suis de votre avis, murmura en fronçant les sourcils Stavroguine.

— Celui qui apprendra aux hommes qu’ils sont bons, celui-là finira le monde.

— Celui qui le leur a appris, ils l’ont crucifié.

— Il viendra, et son nom sera : l’homme-dieu.

— Le dieu-homme ?

— L’homme-dieu, il y a une différence.

— C’est vous qui avez allumé la lampe devant l’icône ?

— Oui.

— Vous êtes devenu croyant ?

— La vieille aime à allumer cette lampe… mais aujourd’hui elle n’a pas eu le temps, murmura Kiriloff.

— Mais vous-même, vous ne priez pas encore ?

— Je prie tout. Vous voyez cette araignée qui se promène sur le mur, je la regarde et lui suis reconnaissant de se promener ainsi.

Ses yeux brillèrent de nouveau ; ils étaient obstinément fixés sur le visage de Stavroguine. Ce dernier semblait considérer son interlocuteur avec une sorte de dégoût, mais son regard n’avait aucune expression moqueuse.

Il se leva et prit son chapeau.

— Je parie, dit-il, que quand je reviendrai, vous croirez en Dieu.

— Pourquoi ? demanda l’ingénieur en se levant à demi.

— Si vous saviez que vous croyez en Dieu, vous y croiriez, mais comme vous ne savez pas encore que vous croyez en Dieu, vous n’y croyez pas, répondit en souriant Nicolas Vsévolodovitch.

— Ce n’est pas cela, reprit Kiriloff pensif, — vous avez parodié mon idée. C’est une plaisanterie d’homme du monde. Rappelez-vous que vous avez marqué dans ma vie, Stavroguine.

— Adieu, Kiriloff.