Page:Dostoïevski - Les Possédés, Plon, 1886, tome 1.djvu/320

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rencontre… Car toutes les excuses sont offertes, n’est-ce pas ?

Il prononça ces mots le visage couvert de rougeur. Il n’avait pas l’habitude de parler aussi longtemps, et il était fort agité.

— Je renouvelle mon offre de présenter toutes les excuses possibles, répondit avec un empressement extraordinaire Nicolas Vsévolodovitch.

— Est-ce que c’est possible ? cria Gaganoff furieux (il s’adressait à Maurice Nikolaïévitch et trépignait de colère) ; — si vous êtes mon témoin et non mon ennemi, Maurice Nikolaïévitch, expliquez à cet homme (il montra avec son pistolet Nicolas Vsévolodovitch) — que de pareilles concessions ne font qu’aggraver l’offense ! Il se juge au-dessus de mes insultes !… Sur le terrain même il ne voit aucun déshonneur à refuser un duel avec moi ! Pour qui donc me prend-il après cela ? je vous le demande. Et vous êtes mon témoin ! Vous ne faites que m’irriter pour que je le manque.

De nouveau il frappa du pied, l’écume blanchissait ses lèvres.

— Les pourparlers sont terminés. Attention au commandement ! cria de toute sa force Kiriloff. — Un ! Deux ! Trois !

Au mot _trois_, Gaganoff et Stavroguine se dirigèrent l’un vers l’autre. Le premier leva aussitôt son pistolet, et, après avoir fait cinq ou six pas, tira. Durant une seconde il s’arrêta, puis, convaincu que son adversaire n’avait pas été atteint, il s’approcha rapidement de la barrière. Nicolas Vsévolodovitch s’avança aussi, leva son pistolet, mais fort haut, et tira presque sans viser. Ensuite il prit son mouchoir dont il entoura le petit doigt de sa main droite. Alors seulement on s’aperçut qu’Artémii Pétrovitch n’avait pas tout à fait manqué son ennemi, mais la balle ayant simplement frôlé les parties molles du doigt sans toucher l’os, il n’en était résulté pour Nicolas Vsévolodovitch qu’une égratignure insignifiante. Kiriloff déclara immédiatement que si les adversaires n’étaient pas satisfaits, le duel allait continuer.

Gaganoff s’adressa à Maurice Nikolaïévitch :