— S’il en est ainsi, la rencontre peut continuer, dit Maurice Nikolaïévitch à Gaganoff.
À la reprise du combat, les mêmes incidents se reproduisirent ; la balle de Gaganoff s’égara encore, et celle de Stavroguine passa à une archine au-dessus du chapeau d’Artémii Pétrovitch. Cette fois, pour éviter de nouvelles récriminations, Nicolas Vsévolodovitch, bien que décidé à épargner son adversaire, avait feint de le viser, mais celui-ci ne s’y trompa point :
— Encore ! hurla-t-il en grinçant des dents ; — n’importe, j’ai été provoqué, et j’entends user des avantages de ma position. Je réclame l’échange d’une troisième balle.
— C’est votre droit, déclara Kiriloff.
Maurice Nikolaïévitch ne dit rien. Les combattants se remirent en place. Quand le signal fut donné, Gaganoff s’avança jusqu’à la barrière et là, c’est-à-dire à douze pas de distance, commença à coucher en joue Stavroguine. Ses mains tremblaient trop pour lui permettre de bien tirer. Nicolas Vsévolodovitch, le pistolet baissé, attendait immobile le feu de son adversaire.
— C’est trop longtemps viser ! cria violemment Kiriloff ; — tirez ! tirez !
Au même instant une détonation retentit, et le chapeau de castor blanc de Nicolas Vsévolodovitch roula à terre. L’ingénieur le ramassa et le tendit à son ami. Le coup n’avait pas été mal dirigé, la coiffe était percée fort près de la tête, il s’en fallait de quatre verchoks que la balle n’eût atteint le crâne. Pendant que Stavroguine examinait son chapeau avec Kiriloff, il semblait avoir oublié Artémii Pétrovitch.
— Tirez, ne retenez pas votre adversaire ! cria Maurice Nikolaïévitch excessivement agité.
Nicolas Vsévolodovitch frissonna, il regarda Gaganoff, se détourna, et, cette fois, sans aucune cérémonie, lâcha son coup de pistolet dans le bois. Le duel était fini. Gaganoff resta comme écrasé. Maurice Nikolaïévitch s’approcha de l