Page:Dostoïevski - Les Possédés, Plon, 1886, tome 1.djvu/323

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ui et se mit à lui parler ; mais Artémii Pétrovitch n’eut pas l’air de comprendre. En s’en allant, Kiriloff ôta son chapeau et salua d’un signe de tête Maurice Nikolaïévitch. Quant à Stavroguine, il ne se piqua plus de courtoisie ; après avoir tiré comme je l’ai dit, il ne se retourna même pas vers la barrière, rendit son arme à Kiriloff et se dirigea à grand pas vers l’endroit où se trouvaient les chevaux. Son visage respirait la colère, il gardait le silence, Kiriloff se taisait aussi. Tous deux montèrent à cheval et partirent au galop.

III

Au moment où il approchait de sa demeure, Nicolas Vsévolodovitch interpella Kiriloff avec impatience :

— Pourquoi vous taisez-vous ?

— Qu’est-ce qu’il vous faut ? répliqua l’ingénieur.

Sa monture se cabrait, et il avait fort à faire pour n’être pas désarçonné.

Stavroguine se contint.

— Je ne voulais pas offenser ce… cet imbécile, et je l’ai encore offensé, dit-il en baissant le ton.

— Oui, vous l’avez encore offensé, répondit Kiriloff ; — et, d’ailleurs, ce n’est pas un imbécile.

— J’ai pourtant fait tout ce que j’ai pu.

— Non.

— Qu’est-ce qu’il fallait donc faire ?

— Ne pas le provoquer.

— Supporter encore un soufflet ?

— Oui.

— Je commence à n’y rien comprendre ! reprit avec colère Nicolas Vsévolodovitch, — pourquoi tous attendent-ils de moi ce qu’ils n’attendent pas des autres ? Pourquoi souffrirais-