je ce que personne ne souffre, et me chargerais-je de fardeaux que personne ne peut supporter ?
— Je pensais que vous-même cherchiez ces fardeaux ?
— Je les cherche ?
— Oui.
— Vous… vous vous en êtes aperçu ?
— Oui.
— Cela se remarque donc ?
— Oui.
Ils gardèrent le silence pendant une minute. Stavroguine avait l’air très préoccupé.
— Si je n’ai pas tiré sur lui, c’est uniquement parce que je ne voulais pas le tuer ; je vous assure que je n’ai pas eu une autre intention, dit Nicolas Vsévolodovitch avec l’empressement inquiet de quelqu’un qui cherche à se justifier.
— Il ne fallait pas l’offenser.
— Comment devais-je faire alors ?
— Vous deviez le tuer.
— Vous regrettez que je ne l’aie pas tué ?
— Je ne regrette rien. Je croyais que vous vouliez le tuer. Vous ne savez pas ce que vous cherchez.
— Je cherche des fardeaux, fit en riant Stavroguine.
— Puisque vous-même ne vouliez pas verser son sang, pourquoi vous êtes-vous mis dans le cas d’être tué par lui.
— Si je ne l’avais pas provoqué, il m’aurait tué comme un chien.
— Ce n’est pas votre affaire. Il ne vous aurait peut-être pas tué.
— Il m’aurait seulement battu ?
— Ce n’est pas votre affaire. Portez votre fardeau. Autrement il n’y a pas de mérite.
— Foin de votre mérite ! je ne tiens à en acquérir aux yeux de personne.
— Je croyais le contraire, observa froidement Kiriloff.
Les deux cavaliers entrèrent dans la cour de la maison.