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Page:Dostoïevski - Souvenirs de la maison des morts.djvu/276

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j’ai passé l’âge. » Alors, nous barbouillâmes la porte d’Akoulka avec du goudron. On la rossa à la maison pour cela, jusqu’à la tuer. Sa mère, Maria Stépanovna, criait : « J’en mourrai ! » — tandis que le vieux disait : « Si nous étions au temps des patriarches, je l’aurais hachée sur un bûcher ; mais maintenant tout est pourriture et corruption ici-bas. » Les voisins entendaient quelquefois hurler Akoulka d’un bout de la rue à l’autre. On la fouettait du matin au soir. Et Philka criait sur le marché à tout le monde : —Une fameuse fille que la Akoulka, pour bien boire ensemble. Je leur ai tapé sur le museau, aux autres, ils se souviendront de moi. Un jour, je rencontre Akoulka qui allait chercher de l’eau dans des seaux, je lui crie : « Bonjour, Akoulina Koudimovna ! un effet de votre bonté ! dis-moi avec qui tu vis et où tu prends de l’argent pour être si brave ! » Je ne lui dis rien d’autre ; elle me regarda avec ses grands yeux ; elle était maigre comme une bûche. Elle n’avait fait que me regarder ; sa mère, qui croyait qu’elle plaisantait avec moi, lui cria du seuil de sa porte : « Qu’as-tu à causer avec lui, éhontée ! » Et ce jour-là on recommença de nouveau à la battre. On la rossait quelquefois une heure entière. « Je la fouette, disait-elle, parce qu’elle n’est plus ma fille. »

— Elle était donc débauchée !

— Écoute donc ce que je te raconte, petit oncle ! Nous ne faisions que nous enivrer avec Philka ; un jour que j’étais couché, ma mère arrive et me dit : « — Pourquoi restes-tu couché ? canaille, brigand que tu es ! » Elle m’injuria tout d’abord, puis elle me dit : « — Épouse Akoulka. Ils seront contents de te la donner en mariage, et ils lui feront une dot de trois cents roubles. » Moi, je lui réponds : « Mais maintenant tout le monde sait qu’elle est déshonorée. » — « Imbécile ! tout cela disparaît sous la couronne de mariage ; tu n’en vivras que mieux, si elle tremble devant toi toute sa vie. Nous serions à l’aise avec leur