samment je le regardai, et j’allais y déposer un baiser, lorsqu’une voiture de remise s’arrêta tout près de moi ; une porte cochère s’ouvrit, d’où sortit une jeune femme qui, balayant le trottoir des deux mètres de soie de sa queue, se dirigea vers la voiture. Tandis qu’elle s’y installait ; elle laissa tomber par terre un élégant portefeuille. Le valet se baissait déjà ; mais, plus preste, je le prévins, et je tendis l’objet à la dame en me découvrant. (Mon chapeau était de haute forme, et je n’étais pas trop mal habillé.) La dame me dit, épanouie en un sourire : « Merci, m’sieu. » La voiture s’ébranlait. Je baisai le billet de dix roubles.
Ce même jour, je devais voir Efime Zvèriev, un de mes anciens camarades de lycée, qui maintenant suivait, à Pétersbourg, les cours d’une école spéciale. Je n’avais pas grande considération pour lui ; mais nous nous rencontrions parfois, et il était entendu qu’il me communiquerait l’adresse d’un certain Kraft, dès que celui-ci reviendrait de Vilno : un entretien avec ce Kraft m’était absolument nécessaire.
Je trouvai Zvèriev (il avait dix-neuf ans, comme moi) juché sur des échasses, en train d’arpenter la cour de la maison de sa tante, chiez qui il demeurait provisoirement. Il m’apprit que Kraft était arrivé la veille, occupait son appartement d’autrefois, à deux pas, et désirait me voir le plus tôt possible, ayant une communication à me faire.