Page:Dostoïevsky - L’Esprit souterrain, trad. Halpérine et Morice, 1886.djvu/237

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― Attends, attends. Te voilà maintenant jeune, belle, fraîche. On te cote en conséquence : mais encore un an de cette vie, et tu seras fanée.

― Dans un an ?

― En tout cas, dans un an, ton prix aura baissé, ― continuai-je avec perversité. ― Tu sortiras d’ici, tu tomberas plus bas, dans une autre maison. Un an après, dans une troisième, toujours plus bas, plus bas, et dans sept ans, tu rouleras dans la cave de la Sennaïa. Et cela, c’est encore ce que tu peux rêver de mieux. Mais il peut très-bien arriver que tu attrapes quelque maladie, une pneumonie, un chaud et froid ou quelque autre chose. Avec la vie que tu mènes on se guérit difficilement. La maladie se cramponne, on ne s’en défait pas, et voilà ! on meurt.

― Eh bien ! je mourrai ! ― dit-elle tout à fait exaspérée, et en faisant un mouvement de violente impatience.

― Mais ne regrettes-tu pas cela ?

― Quoi ?

― Eh ! la vie !

Un silence.

― Est-ce que tu avais un fiancé ? hé !