Page:Dostoievski - Les Pauvres Gens.djvu/115

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ma chère, si j’ai les facultés voulues pour être un intrigant et un ambitieux ! Comment donc, Dieu me pardonne ! tous ces malheurs m’accablent-ils ? Voyons, vous trouvez que je suis un homme digne, et vous valez infiniment mieux qu’eux tous, matotchka. Quelle est la plus grande vertu civique ? L’autre jour, dans une conversation privée, Evstafii Ivanovitch a dit que la principale vertu civique, c’est de savoir gagner de l’argent. Il a dit cela pour rire (je sais que c’était pour rire) ; mais ce que nous ordonne la morale, c’est de n’être à charge à personne, et je ne suis à charge à personne ! Mon morceau de pain m’appartient. À la vérité, c’est un simple morceau de pain, qui même est dur parfois ; mais il a été acquis par le travail, je le possède légitimement, et nul ne peut me le reprocher. Alors, que faire ? Je ne me dissimule pas que ma besogne de copiste n’est pas très-relevée, mais j’en suis fier tout de même : je travaille, je répands ma sueur. Et qu’importe, en effet, que je fasse des copies ? Est-ce que c’est un crime ? « Il copie », dit-on. Mais qu’y a-t-il donc là de si déshonorant ? J’ai une écriture fort belle, très-lisible ; elle est agréable à voir, et Son Excellence en est satisfaite ;