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LA DATE.


sons doute introduit par allusion à Louis-Alexandre de Bourbon, comte de Toulouse, gouverneur de Bretagne de 1695 à 1698, mort en 1737.

V. 1415 : « les déplanteurs de croix, et les fripons qui ont fait du feu avec les saints et les autels ». Il semble bien qu’il y ait là une allusion à quelques épisodes de la Révolution(1). V. 1569 : « le général Cobourg j’ai aussi tué ». Le feld-maréchal Cobourg (1737-1815) prit part à la guerre de Sept ans, mais est surtout connu par les batailles de Nerwinde, 1793 ; Tourcoing, 1794, et Fleurus, 1794.

V. 2188 : « Mon nom est Louis Eunius, fils du duc de Clarence ». Il est possible qu’il s’agisse de Guillaume IV, duc de Clarence, comte de Munster (1765-1837), à moins que ce souvenir ne remonte à la guerre de Cent ans et s’applique à Thomas Plantagenet qui, d’après la légende très répandue en France, demanda à être noyé dans un tonneau de malvoisie.

Si, de ces nombreux détails, nous retenons seulement ceux qui nous donnent les dates les plus précises, nous pouvons conclure, abstraction faite des interpolations possibles : 1° Que les discours de diables ne peuvent être antérieurs à 1770 (fin de l’Inquisition en Espagne) et bien probablement ne sont pas antérieurs à l’institution des juges de paix (1789) ; 2° Que le corps de la pièce ne peut être antérieur à 1761 (hussards Chamborant) et n’est sans doute pas antérieur à 1793(,) (siège de Dunkerque, Cobourg).

Les discours de diables et le corps de la pièce sont donc vraisemblablement de la même date, et ils dateraient l’un et l’autre de l’époque de la Révolution. Depuis la seconde moitié du XVIIIe siècle jusqu’en 1830, après les proscriptions du commencement du XVIIIe siècle, il semble qu’il y ait eu un renouveau du théâtre breton. Les manuscrits bretons datés qui nous sont parvenus forment la liste suivante depuis 1750 : 1751, 1758, 1760, 1762, 1763, 1765, 1772, 1780, 1784, 1789, 1792, 1797, 1799, 1801, 1802, 1804, 1807, 1811, 1812, 1814, 1815, 1816, 1822, 1825, 1826. (1) Voir aussi v. 1096, où l’on parle des « tyrans », expression courante à l’époque révolutionnaire. Sur le peu d’influence qu’ont eu sur les auteurs et les copistes bretons les grands événements de la fin du XVIIIe siècle et du commencement du XIXe, voir A. Le Braz, Essai sur l’histoire du théâtre celtique, p. 223. C’est à mon ami Georges Weill, professeur à l’Université de Caen, que je dois les remarques sur les faits historiques contemporains de la Révolution.

(2) On pourrait même descendre plus bas que 1795 si le détail du vers 905 : « trois pièces de vingt réaux » appartient au fond primitif. Car la pièce de 20 réaux n’existe pas en Espagne, et il ne peut s’agir que de la pièce française de cinq francs créée en 1795.