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INTRODUCTION.


Jusqu’à quelle date pouvons-nous descendre ? Au plus tard jusqu’au commencement du XIXe siècle, à une époque où les souvenirs de l’ancien régime étaient encore très vivants et n’avaient pas été remplacés par les idées nouvelles. Cette date, ainsi déterminée entre 1793 et 1800, est-elle celle de la pièce originale ou celle du remaniement qui nous est parvenu ? Nous n’en savons rien et ne pouvons le savoir.

Quant à l’époque de l’année où fut représenté notre mystère, on peut hésiter entre les principales saisons dramatiques : Noël, les Jours Gras, Pâques. Le vers 1121, « à présent que l’hiver est arrivé », indiquerait plutôt Noël. Mais la troupe de Lannion jouâit fréquemment la tragédie à l’époque de la foire de la SaintMichel(l), qui durait trois jours (29 septembre). On pourrait songer aussi à déterminer la provenance de notre Mystère en relevant les noms de lieux qui y sont cités. V. 1315 : « Il y a trois lieues d’ici à la ville de Vitré ». A moins qu’il ne s’agisse d’une ville dont le nom est défiguré, — car Louis Eunius vient d’annoncer qu’il va partir pour l’Allemagne (v. 1307) et nous ne savons s’il y est arrivé, — le nom de Vitré n’est qu’une indication fantaisiste. A la fin du XVIIIe siècle, Vitré était plus connu et presque aussi peuplé que maintenant(,). V. 3067 : « Allons, mouton du Pont-Glas et lutin de Quéribou ». Pont-Glas et Kéribo désignent un village et un château situés commune de Grâces(3) (Côtes-du-Nord). Mais, d’après une lettre que j’ai reçue de M. Le Bivic, instituteur à Grâces, les deux expressions populaires du v. 3067 ne sont pas actuellement connues à Grâces. Vers 1826, vivait dans une allée avoisinant le château un ermite que l’on venait visiter par curiosité ; il est peu probable que ce soit à ce personnage que l’on fait allusion. Il s’agit plutôt d’un surnom désobligeant par lequel les habitants des villages voisins désignaient les habitants de Grâces. L’auteur serait donc des environs de Grâces.

V. 1068 : « comme les lapins dans Roch ar hon(4). » C’est un Ilot situé à l’embouchure du Trieu. Mais ces indications de lieux, au lieu d’appartenir à la rédaction originale, pourraient avoir été introduites à l’occasion de certaines représentations et pour faire rire les spectateurs par des plaisanteries essentiellement locales. Il est sûr, en tout cas, qu’il ne faut •

(1) Manuscrit de Luzel, en la possession de A. Le Braz. (2) Sur le commerce de Vitré dès le XVIe siècle, voir Frain de la Gaulavrie, Les Yitrèens et le commerce international. Revue historique de l’Ouest, t. VI et VII.

(3) Canton de Guingamp.

(4) La Roche aux chiens. Sur l’emploi de con, voir Ernault, Mémoires de la Société de linguistique de Paris, t. XII, p. 306-307.