Page:Doumic - La Poésie lyrique en France au dix-neuvième siècle, 1898.djvu/90

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lernent nous avons à souffrir, mais personne ne nous prend en pitié. À qui nous adresser ? Nous adresser à la nature ? compter sur la sensibilité de la nature ? voir dans la nature une consolatrice, comme faisait Lamartine ou comme faisait Hugo ? Mais la nature, c’est justement l’insensibilité. La nature est insensible, et Vigny, dans une pièce fameuse, suppose qu’il s’adresse à la nature, qu’il lui demande si elle sympathise avec l’homme, et voici ce que lui répond cette nature :


Elle me dit : "Je suis l’impassible théâtre
Que ne peut remuer le pied de ses acteurs ;
.................................................................................
Je n’entends ni vos cris ni vos soupirs ; à peine
Je sens passer sur moi la comédie humaine
Qui cherche en vain au ciel ses muets spectateurs.

" Je roule avec dédain, sans voir et sans entendre,
À côté des fourmis, les populations ;
Je ne distingue pas leur terrier de leur cendre,
J’ignore, en les portant, les noms des nations.
On me dit une mère, et je suis une tombe."


Ainsi, l’homme est seul au milieu de cette nature insensible qui est pour lui une tombe ; non pas une mère, mais une marâtre. Ce mal, ce malheur, cette souffrance, c’est Dieu même qui l’y a condamné. Alors, où se tourner ? de quel côté espérer un soulagement ? Et si nous sommes condamnés ainsi au malheur, qu’est-ce qu’il faut faire ? quelle sera notre règle de conduite ?

Notre règle de conduite, eh bien, ce sera de souffrir, non pas avec résignation, mais avec une