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les apprentis de l’armurier

avait ordonné de laisser soigneusement le jeune malade dans cet état d’inconscience et d’oubli.

Il craignait, pour cette nature impressionnable et nerveuse, le choc trop rude de souvenirs douloureux ou terribles.

La dame de Dampierre, au reste, n’était pas fâchée de cet état qui supprimait tous préliminaires, et lui rendait son petit-fils comme s’il ne l’eût jamais quittée. Elle ne doutait pas, en effet, de la filiation de l’enfant. N’avait-il pas tout d’un gentilhomme : les goûts, les manières ?

Affable et bienveillant avec ses inférieurs, il recevait leurs hommages avec une grâce pleine d’aisance ; tendre et respectueux avec son aïeule, il avait pour elle les prévenances délicates, les attentions courtoises de son père.

Comme lui, il s’enflammait aux récits guerriers, rêvait d’exploits héroïques, d’entreprises chevaleresques. Il menait l’existence d’un véritable damoiseau, étudiant avec le chapelain qu’il surprenait par ses rapides progrès, pratiquant les armes, l’équitation.

Adroit dans tous les exercices du corps qui formaient la base de l’éducation d’un noble de cette époque, l’épée allait bien à sa main fine et aristocratique, et il semblait plus à l’aise sous une lourde armure qu’il ne l’était jadis sous le sarrau de l’artisan.

— On dirait messire Guillaume en personne, répétaient ses vassaux, charmés de sa bonne mine, seulement, lui, on ne l’écoutait pas.

Gaultier, au contraire, n’avait qu’à parler, appuyer une requête, excuser une faute ou dépeindre une misère, pour que la châtelaine ouvrît aussitôt sa bourse et son cœur, et se montrât tout indulgence, toute bonté, toute compassion.

Aussi le jeune seigneur était-il adoré de tous, et nul ne