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Page:Dourliac - Les apprentis de l'armurier, 1895.djvu/30

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les apprentis de l’armurier

Aussi Jeanne l’appréciait-elle comme un conseiller sûr, un auxiliaire dévoué, et n’avait-elle pas de secret pour lui.

— Qu’importe les criailleries de ces vilains si elles ne vous écorchent plus les oreilles ! reprit-il en haussant les épaules.

— Mon père disait souvent : « Les cités flamandes sont des ruches d’abeilles, malheur à l’imprudent qui excite leur colère ; il est percé de mille dards ! »

— Ruche soit ! mais les abeilles ne peuvent rien sans une reine ; et, sans un chef, ces bourgeois sont impuissants…

— Mais s’ils en trouvaient un.

— Qui donc ?

— Je ne sais, mais j’ai peur…

— Peur ! madame, et de quoi ? Grâce au ciel… et un peu aussi à votre serviteur, vous êtes délivrée de tous ceux qui vous portaient ombrage. Votre mari est enfermé au Louvre ; votre père est parti pour un voyage plus long encore que celui de Terre Sainte, car, si l’on revient quelquefois de Palestine, on ne revient pas du Paradis, où il siège parmi les élus.

— On n’a pas retrouvé son cadavre, m’as-tu dit ?

— Les Turcs ont la mauvaise habitude de couper les têtes et de dépouiller les corps des chrétiens, et, ma foi ! il n’est pas si facile que vous pensez de reconnaître un empereur d’un simple homme d’armes. En revanche, j’ai vu tomber son féal, messire Guillaume de Dampierre, votre beau-frère, et celui-là était bien mort, je vous en réponds. Quant à votre sœur, elle était si près de suivre son époux lorsque j’ai quitté Constantinople, qu’on aura pu les mettre dans le même cercueil.

— Oui, mais l’enfant ? murmura sourdement la princesse.