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les apprentis de l’armurier

je veux que Guy rentre dans tous ses droits, et, loin de m’humilier, sa gloire sera la mienne et me consolera de mon obscurité. Mais, comment le décider à revenir sur sa résolution ?

Il avait beau se creuser la cervelle, il ne voyait aucun moyen de triompher de l’entêtement proverbial de son compagnon, et il regagna le logis tout songeur, sans remarquer le regard sournois d’Hugonet, en train d’ouvrir la boutique.

Guy, ayant achevé sa toilette, était occupé à aligner sur la table le contenu de la bourse de cuir.

— Qu’est-ce que tu fais là ?

— Je compte nos écus, comme les hannetons avant de s’envoler. Tiens, voici ta part et voilà la mienne.

— Point, mon cher sire ; tout cela est à toi, comme la France est au Roi.

— Non pas, non pas ; d’ailleurs si nous faisons de mauvaises rencontres, si nous perdons notre bourse… Il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier, surtout en voyage.

— Nous partons donc !

— Oui, j’ai réfléchi…, tes raisons m’ont convaincu ; un gentilhomme ne peut pas vivre comme un manant.

— Bravo !

— Tu m’approuves ?

— Absolument.

— C’est bien ainsi que tu agirais à ma place ?

— Sans aucune hésitation.

— Allons, tant mieux ! Décidément la nuit porte conseil.

— Oh ! ce n’est pas seulement la nuit. Mais j’ai rêvé de grand’mère, vois-tu. Je rêvais même que j’entendais marcher son rouet et si distinctement que je me réveillai en sursaut.