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Page:Dourliac - Les apprentis de l'armurier, 1895.djvu/70

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les apprentis de l’armurier

une maîtresse femme, travailleuse infatigable et dure aux autres comme à elle-même.

Mais quand sa nièce était là, elle abdiquait toute son autorité entre ses mains mignonnes et ne levait même plus le petit doigt pour gronder ou punir.

Aussi Douce était-elle adorée de tous, bêtes et gens : poules, pigeons, canards accouraient à son appel, picorer les graines dont son tablier était amplement rempli ; le cheval hennissait pour réclamer sa poignée d’avoine ; le baudet lançait ses plus sonores hi ! han ! dans l’intention évidente de charmer sa petite amie, qui, lui sachant gré de l’intention, caressait ses longues oreilles et lui apportait quelque friand chardon.

Il n’était pas jusqu’aux indomptables taureaux noirs de la Camargue, dont l’œil farouche ne semblât s’humaniser sous le doux regard de la charmante créature.

Douce était restée à Pourrière pour les fêtes qui ont lieu le 1er Mai, célébrant le retour des beaux jours.

La reine de Maye qui était, cette année-là, une de ses cousines, l’avait choisie pour demoiselle d’honneur, et la perspective de figurer dans la procession n’avait pas peu contribué à sécher les larmes versées sur le départ de ses amis d’enfance.

Le premier mai, donc, la fillette, toute vêtue de blanc, parée du beau voile, chef-d’œuvre de dame Véronique, et objet de l’admiration générale, prit place dans le cortège qui se déroula lentement à travers la campagne verdoyante.

Maître Lansac rayonnait, et ses petits yeux, pétillants sous ses sourcils en broussailles, devenaient troubles et humides en se fixant avec attendrissement sur la mignonne, tout le portrait de sa chère défunte.

— Et Hugonet ! est-il fier de servir de cavalier à sa cou-