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jim harrison, boxeur

voyage. J’aurais grand peine à oublier le supplice que j’ai enduré, il y a quelques années, pour avoir négligé cette précaution. Je rendrai justice à Ambroise, en reconnaissant que c’était avant qu’il se chargeât de mes affaires. Je fus contraint de porter deux jours de suite les mêmes manchettes. Le troisième, mon gaillard fut si ému de ma situation qu’il fondit en larmes et produisit une paire qu’il m’avait dérobée.

Il avait l’air fort grave en disant cela, mais la lueur brillait pétillante dans ses yeux.

Il tendit sa tabatière ouverte à mon père, tandis qu’Ambroise suivait ma mère hors de la pièce.

— Vous prenez rang dans une illustre société, en plongeant là votre pouce et votre index, dit-il.

— Vraiment, Monsieur ? dit mon père brièvement.

— Ma tabatière est à votre service puisque nous sommes apparentés par le mariage. Vous en disposerez aussi librement, neveu, et je vous prie de prendre une prise, c’est la preuve la plus convaincante que je puisse donner de mon bon vouloir. En dehors de nous, il n’y a, je crois, que quatre personnes qui y aient eu accès, le Prince, naturellement, M. Pitt, M. Otto l’ambassadeur de France, et lord Hawkesbury. J’ai pensé parfois que j’avais été un peu trop empressé pour Lord Hawkesbury.

— Je suis immensément touché de cet honneur, Monsieur, dit mon père en regardant d’un air méfiant par-dessous ses sourcils en broussaille, car devant cette physionomie grave et ces yeux pétillants de malice on ne savait trop à quoi s’en tenir.

— Une femme peut offrir son amour, monsieur, dit mon oncle, un homme a sa tabatière à offrir ; ni l’un ni l’autre ne doivent s’offrir à la légère. C’est une faute contre le goût, j’irai même jusqu’à dire contre les