Page:Doyle - La Vallée de la peur.djvu/85

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mon ami avait passé la journée au manoir avec ses collègues, et il en rapportait un appétit féroce, en prévision duquel je lui avais fait préparer un thé substantiel.

« Non, dit-il, pas de secrets. Ils me gêneraient dans le cas d’une arrestation pour entente criminelle suivie de meurtre.

— Vous croyez à une arrestation ? »

Il était de son humeur la plus gaie, la plus débonnaire.

« Mon cher Watson, laissez-moi expédier ce quatrième œuf ; après quoi je vous dirai où nous en sommes. Non pas que nous ayons tout approfondi, loin de là. Mais quand nous aurons mis la main sur l’haltère manquant…

— L’haltère ?

— Mon cher Watson, vous n’avez pas encore deviné que tout repose sur cet haltère qui manque ? Voyons, voyons, pas besoin de faire si longue mine. Entre nous, ni l’inspecteur Mac Donald ni l’excellent provincial n’auraient saisi l’importance du fait. Un seul haltère, Watson ! Figurez-vous un gymnaste n’utilisant qu’un seul haltère ! Imaginez ce développement unilatéral, ce danger d’une courbature dorsale ! Fi, Watson, fi donc ! »

La bouche pleine de toast, les yeux brillant de malice, on eût dit qu’il admirait ma misère intellectuelle. La seule vue de son appétit m’assurait du succès. Je me rappelais des jours et des nuits où, perdant toute notion de nourriture, il s’acharnait à résoudre quelque