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Page:Doyle - La nouvelle chronique de Sherlock Holmes, trad Labat, 1929.djvu/216

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LA NOUVELLE CHRONIQUE

— Possible, mon cher Watson. Cela vous étonnera sans doute d’apprendre que l’homme qui connaît le mieux au monde mon genre de maladie n’est pas précisément un médecin, mais un planteur, et l’un des plus notables de Sumatra, M. Culverton Smith, aujourd’hui de passage à Londres. La maladie dont je parle s’étant un jour déclarée dans ses plantations, en l’absence de toute aide médicale il en entreprit lui-même l’étude. Je le sais très méthodique, je n’ai pas voulu vous laisser partir avant six heures, certain que vous ne le rencontreriez pas plus tôt chez lui. Si vous pouviez obtenir qu’il vînt, qu’il nous admît à profiter de son expérience unique, puisqu’il s’agit d’un mal dont l’étude est sa chère marotte, il m’apporterait assurément un utile secours.

Je donne tout d’un trait le discours d’Holmes ; dans la réalité, il était haché de longs efforts respiratoires et de ces contractions de mains qui décelaient sa souffrance. Son aspect avait d’ailleurs bien empiré durant les quelques heures que je venais de passer près de lui. Les taches hectiques s’accusaient davantage sur ses joues ; ses yeux brillaient d’un éclat plus vif au fond de creux plus sombres ; une sueur froide perlait sur son front. Pourtant il gardait dans ses propos son enjouement et sa vaillance ordinaires, il entendait se dominer jusqu’au bout.

— Vous lui direz très exactement dans quel état vous m’avez laissé, continua-t-il. Vous lui expliquerez bien l’impression que je vous fais : celle d’un homme qui se meurt… qui se meurt et qui délire. Car je ne vois pas pourquoi le fond de la mer tout entier serait autre chose qu’une masse solide d’huîtres, tant ces mollusques semblent prolifiques ! Mais je divague… Quel étrange phénomène que le contrôle du cerveau par le cerveau ! Où en étais-je, Watson ?