Page:Doyle - Les Réfugiés.djvu/86

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appris ce que c’est que d’être privé d’elles. J’ai passé des mois près des lacs à chasser les fourrures, menant la vie d’un sauvage dans les wigwams des Iroquois et des Algonquins, accroupis comme des crapauds autour de leurs feux, ignorant ce que c’est que causer et vivre. Puis quand je revenais à Albany, où ma famille habitait alors, et que j’entendais mes sœurs chanter en s’accompagnant sur l’épinette, et que ma mère nous parlait de la France, de sa jeunesse et de tout ce que les siens avaient souffert pour ce qu’ils croyaient être le bien, alors j’ai senti ce que c’est qu’une femme, et comment elle sait extraire de l’âme de l’homme tout ce qu’il y a de plus pur et de meilleur.

— En vérité, les femmes doivent de la reconnaissance à un jeune homme qui est aussi éloquent qu’il est brave, dit Adèle Catinat qui, debout dans l’ouverture de la porte, avait entendu la fin de la phrase.

Il s’était oublié un instant et avait parlé librement et avec chaleur. Mais à la vue de la jeune fille, il se reprit à rougir et il baissa les yeux.

— J’ai passé une grande partie de ma vie dans les bois, dit-il, et là on parle si peu qu’on finit par en perdre l’habitude. C’est pour cela que mon père m’a fait venir en France, car il ne voulait pas que je ne fusse qu’un simple trappeur et commerçant.

— Et combien de temps comptez-vous rester à Paris ? demanda l’officier.