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LE CAPITAINE DREYFUS

Je n’ai pas reçu l’envoi que tu m’annonçais, c’est-à-dire une éponge et du chocolat à la kola. Mais ne te fais nul souci de ma vie matérielle qui est largement assurée par les conserves qui me sont envoyées de Cayenne.


Le 27 juillet 1895.
Ma chère Lucie,

Je t’ai déjà écrit le 15 de ce mois. Je puis aujourd’hui te donner de mes nouvelles et te crier toujours, bien que j’ignore la situation à l’heure présente : Courage et foi !

Ma santé est bonne. L’âme domine le corps comme le reste. Jamais je n’admettrai l’idée que nos enfants puissent entrer dans la vie avec un nom déshonoré. C’est de cette pensée commune à tous deux que tu dois t’inspirer pour y puiser toute ton indomptable volonté.

Je n’ai jamais craint l’avenir. Mais il y a des situations morales qui sont telles, quand on ne les a pas méritées, qu’il faut en sortir, tant pour nous que pour nos enfants, que pour nos familles.

Quand on ne demande, quand on ne veut que la recherche de la vérité, la recherche des misérables qui ont commis le crime infâme et lâche, on peut se présenter partout, la tête haute.

Et cette vérité, il faut l’avoir et tu dois l’avoir. Mon innocence doit être reconnue de tous. Je veux être avec toi et avec les enfants ce jour-là.

Baisers aux chers petits.

Je vis en eux et en toi.