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LE CAPITAINE DREYFUS


Embrasse longuement, beaucoup les chers enfants pour moi. Ah ! vois-tu, chère Lucie, je ne sais pas ce qu’on peut appeler des obstacles quand il s’agit de ses enfants. Dis-toi bien qu’il n’y en a pas, qu’il ne saurait y en avoir, qu’il faut la vérité, qu’une mère a tous les droits, comme elle doit avoir tous les courages, quand elle a à défendre ce qui seul peut permettre à ses enfants de vivre, leur honneur.

Et chaque fois que je t’écris, je ne puis me décider à fermer ma lettre, tant est fugitif ce moment où je viens causer avec toi, tant tout mon être est avec toi, tant tout ce que je te dis ne me semble pas répondre assez aux sentiments qui m’agitent, qui remplissent mon âme, à cette volonté plus forte que tout, irréductible, qui est en moi, pour vouloir la vérité, notre honneur, celui de nos enfants ; à l’affection profonde enfin que j’ai pour toi, augmentée d’une admiration sans bornes. J’espère enfin que ce que je te dis depuis de si longs mois s’est traduit par vous tous en action forte et agissante et que j’apprendrai bientôt que ce supplice de tous deux a un terme.

Je t’embrasse comme je t’aime, ainsi que nos chers enfants, de tout mon cœur, de toute mon âme, en attendant que j’aie enfin de vos nouvelles.

Alfred.
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Le 26 février 1896.
Ma chère Lucie,

J’ai reçu le 12 de ce mois tes chères lettres de décembre, ainsi que toutes celles de la famille. Inutile de te dépeindre la bonne émotion qu’elles me