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LE CAPITAINE DREYFUS

Notre cher petit Pierre me demande de lui écrire. Ah ! je n’en ai pas la force ! Chaque mot ferait jaillir un sanglot de ma gorge et je suis obligé de me raidir dans ma douleur pour résister, pour être présent le jour où l’honneur nous sera rendu. Embrasse-le longuement pour moi, ainsi que ma chère petite Jeanne. Ah ! mes chers enfants… puise en eux ta force invincible. Je t’embrasse de toutes mes forces comme je t’aime,

Alfred.

Embrasse tes chers parents, toute la famille pour moi. Ma santé est bonne.

J’ai reçu au début du mois, de ta part, une dizaine de colis de vivres et les tricots de laine. Merci pour tes touchantes attentions. Je n’ai encore reçu aucun des envois de revues et de livres que tu m’annonçais par tes lettres de septembre, décembre et janvier ; aucun n’est encore arrivé à Cayenne. Veux-tu être assez bonne pour t’occuper de ces envois de manière qu’ils me parviennent par le courrier, soit que tu les adresses toi-même directement pour moi à M. le Directeur du service pénitentiaire à Cayenne, soit qu’ils soient adressés par le ministère à tes frais.

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Le 26 mars 1896.
(Soir)
Chère Lucie,

Avant de t’envoyer la lettre que je t’avais écrite, je relisais pour la centième fois peut-être tes chères lettres, car tu peux t’imaginer ce que peuvent être