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LETTRES D’UN INNOCENT

Embrasse tes parents, nos frères et sœurs, les tiens pour moi.

Je t’embrasse comme je t’aime, plus fort que jamais, de toute la puissance de mon affection, ainsi que nos chers et adorés enfants.

Ton dévoué,

Alfred.
5 heures du matin.

Avant de remettre cette lettre, je veux encore venir t’embrasser, de toute mon âme, de toutes mes forces, te répéter que ta conscience, ton devoir, nos enfants, doivent être pour toi des leviers irrésistibles qu’aucune douleur humaine ne saurait faire ployer.

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Septembre 1896.
Chère et bonne Lucie,

Je t’écris au reçu du courrier de Juillet. La détente nerveuse a été trop forte, trop violente. J’ai un besoin irrésistible de venir causer avec toi, après ce long silence angoissé de tout un mois.

Oui, parfois la plume me tombe des mains, et je me demande à quoi bon écrire tant ; je suis hébété par tant de souffrances, ma pauvre et chère Lucie.

Oui, souvent aussi je me demande ce que j’ai fait pour que toi que j’aime tant, mes pauvres enfants, nous tous enfin, soyons appelés à souffrir ainsi et j’ai certes des moments de désespérance farouche, de colère aussi, car je ne suis pas un saint. Mais alors, j’ai toujours évoqué, j’évoque toujours ta pensée, celle des pauvres petits, et ce que j’ai voulu t’inspirer, vous inspirer à tous, depuis le début de