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LETTRES D’UN INNOCENT
Décembre 1894.
Ma bonne chérie,

Merci de ta longue lettre d’hier ; je n’ai jamais douté de ton adorable dévouement, de ton grand cœur. C’est surtout à toi que je pensais dans les jours sombres, à la tristesse et au chagrin que tu devais éprouver ; ce fut là ma seule faiblesse.

Quant à moi, ne crains rien ; si j’ai beaucoup souffert, je n’ai jamais ni courbé, ni fléchi la tête. Mes plus grands moments de tristesse étaient quand je pensais à toi, ma bonne chérie, à toute notre famille.

Je pressentais la douleur que vous deviez éprouver d’être ainsi sans nouvelles de moi.

J’avais le temps de penser à vous tous, dans ces longues journées et ces nuits sans sommeil, en tête à tête avec mon cerveau. Rien pour lire, rien pour écrire. Je tournais comme un lion en cage, essayant de déchiffrer une énigme que je ne pouvais pas saisir.

Mais tout en ce monde finit par se découvrir à force de persévérance et d’énergie ; je te jure que je découvrirai le misérable qui a commis cet acte infâme.

Conserve donc tout ton courage, ma bonne chérie, et regarde le monde en face, tu en as le droit.

Remercie tout le monde de leur admirable dévouement à ma cause, embrasse pour moi nos chers enfants et toute la famille.

Mille baisers pour toi de ton dévoué,

Alfred.
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