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LETTRES D’UN INNOCENT

jusqu’au moment suprême où l’on me rendra l’honneur de mon nom.

Mais je supporterai bien mieux cette attente quand tu seras là, dans l’exil, près de moi.

Alors tous deux, fiers et dignes l’un de l’autre, mous montrerons dans l’exil le calme de deux cœurs honnêtes et purs, de deux cœurs dont toutes les pensées ont toujours été pour notre chère patrie, pour la France.

Bons baisers à ces pauvres chéris. Baisers à tout le monde.

Je t’embrasse comme je t’aime,

Alfred.

Le 8 janvier 1895, mardi, 6 heures soir.
Ma chérie,

On m’a remis aujourd’hui tes lettres de dimanche, ainsi que celles qui m’ont été adressées par R., H. et A.

Remercie tout le monde, donne-leur de mes nouvelles, prie-les de m’écrire. Mais dis-leur qu’il m’est impossible de leur répondre à tous. Non pas que le temps me manque pour cela, hélas ! mais je ne veux pas abuser du temps et de l’obligeance de M. le directeur de la prison qui est obligé de lire toutes mes lettres.

Je suis relativement fort, en ce sens que je vis d’espoir. Mais je crois qu’il ne faudrait cependant pas que cette situation se prolongeât encore longtemps.

J’ai, et c’est facile à concevoir, des moments de révolte violente contre l’injustice du sort ; il est, en