Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 2, 1899.djvu/75

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Ce qui s’est passé ensuite, je vais vous le dire d’après le récit que nous en a fait Lakdar.

« Pendant que nous étions dans notre maison abandonnée, prêtant l’oreille aux bruits du dehors et nous demandant si la cessation du feu ne correspondait pas avec la reddition de la ville, Hussein avait envoyé à notre quartier général un parlementaire ; mais, savez-vous ? il n’avait rien trouvé de mieux que de le faire accompagner par le consul d’Angleterre ! « Je te demande un peu, père ? Ces Anglais que je déteste autant que toi et qui sont nos plus dangereux ennemis, ne sont-ils pas étonnants ? On les trouve toujours partout, même — et surtout — où ils n’ont rien à faire.

« De quoi se mêlait-il, celui-là ? Assurément il espérait en imposer à notre général en chef, lui faire diminuer ses exigences ou encore, car c’est bien là l’éternelle tactique anglaise, obtenir de lui part à deux.

« Seulement, il tombait mal : le général de Bourmont n’était pas homme à se laisser intimider par les gros yeux et les sous-entendus du bonhomme, et, avant tout pourparler, il lui notifia qu’il n’avait rien à faire là en un pareil moment.

« Il le mit donc poliment à la porte, et comme le parlementaire d’Hussein n’apportait que des propositions dérisoires, il les renvoya tous deux dos à dos, l’un furieux, l’autre penaud :

« Immédiatement après, M. de Bracewitz — un ancien d’Égypte — était envoyé par le général au Dey Hussein.

« Lakdar qui en nous quittant s’était rendu auprès de ce dernier, assista à l’arrivée de M. de Bracewitz, et il paraît qu’un moment tout faillit mal tourner.

« Les janissaires qui entouraient leur chef ne voulaient rien entendre, et peu s’en fallut que notre parlementaire et le Dey lui-même ne passassent un mauvais quart d’heure.

« Hussein réussit pourtant à se débarrasser de ses trop fanatiques défenseurs, et consentit à la reddition sans conditions ; puis, comme M. de Bracewitz réclamait la restitution des prisonniers du Silène et de l’Aventure, le Dey devint très pâle et ne répondit point.

« Lakdar qui s’était dissimulé derrière une colonne, jugea le moment venu de se montrer, et vint, sans rien dire, se prosterner devant le monarque musulman.